Téléphonie mobile : les normes actuelles sont-elles protectrices ?

PARIS, 17 mai 2017 (APMnews) – Certaines des normes actuellement appliquées aux téléphones portables ne seraient pas protectrices, selon un médecin militant, Marc Arazi, qui a récemment mené une action judiciaire pour que soient rendus publics les noms d’appareils qui dépassaient les seuils lorsqu’ils étaient placés au contact du corps.

Le débit d’absorption spécifique (DAS) indique la quantité d’énergie reçue par l’usager d’un appareil radioélectrique lorsqu’il fonctionne à pleine puissance pendant quelques minutes. L’absorption des champs électromagnétiques entraîne une élévation de température des tissus. Afin de prévenir cet effet thermique, des valeurs seuils ont été imposées.

Dans l’Union européenne, le DAS tête et le DAS tronc doivent être inférieurs à 2 W/kg, le DAS membre inférieur à 4W/kg. Le DAS tête est « très cadré », il intègre deux postures standardisées au contact de l’oreille et près de la bouche, a indiqué mardi à APMnews Gilles Brégant, directeur de l’Agence nationale des fréquences (ANFR). L’industriel doit faire figurer cette mesure de DAS tête sur les notices de leurs appareils. Globalement, le DAS tête a diminué, il est en moyenne égal à 1W/kg, selon le directeur de l’ANFR.

S’agissant du DAS tronc, jusqu’en avril 2016, c’est l’industriel qui choisissait la distance à laquelle il le mesurait, celle-ci devant être comprise entre 0 et 2,5 cm. Cette valeur et la distance à laquelle elle a été mesurée ne figurent pas en général dans les notices.

Dans son rapport de juillet 2016 « Exposition aux radiofréquences et santé des enfants », l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) estimait « peu probable que les personnes, et surtout les enfants, prennent connaissance des conditions d’utilisation à proximité du corps définies par les constructeurs ». Dans la plupart des cas, la notice spécifie d’éloigner le téléphone du corps de 15 mm, Or, la distance de séparation entre le corps et un téléphone placé dans une poche de chemise est bien inférieure, soulignait l’Anses dans ce rapport.

Depuis 2006, l’ANFR vérifie la conformité des allégations des constructeurs. Des agents prélèvent ainsi une centaine de téléphones chaque année sur des lieux de vente et les font analyser par des laboratoires agréés qui recalculent les DAS.

En 2015, les DAS tronc de 9 téléphones sur 10 dépassaient la valeur limite au contact

Le rapport de l’Anses de juillet 2016 présentait les résultats des mesures de DAS tronc au contact de l’appareil, réalisées par l’ANFR sur 95 téléphones portables en vente en France en 2015. Or 89% des téléphones mesurés au contact par l’ANFR présentaient un DAS supérieur à la valeur limite de 2 W/kg et 25% un DAS supérieur à 4 W/kg. Cela signifie que placé au contact du corps, les DAS tronc de 9 téléphones sur 10 dépassaient les valeurs protectrices.

Depuis la publication de ces résultats, Marc Arazi, médecin et ancien coordinateur national de l’association Priartem (Pour une réglementation des antennes relais de téléphonie mobile) demande à l’ANFR de publier la liste des téléphones dont les valeurs de DAS tronc au contact dépassaient 2 W/kg.

Mais, malgré un avis favorable de la Commission d’accès aux documents administratifs (Cada), l’ANFR n’a pas dévoilé cette liste. Marc Arazi a tenté en vain d’obtenir gain de cause devant la justice. Le 20 avril, le tribunal administratif de Melun a rejeté la requête du militant.

Gilles Brégant a expliqué à APMnews pourquoi l’ANFR ne publiait pas cette liste.

Selon les règles en vigueur en 2015, tous les téléphones prélevés cette année-là et évalués par l’agence respectaient les normes puisque celles-ci n’imposaient pas une mesure au contact du corps. « Ces téléphones étaient respectueux de la norme à la distance préconisée par les industriels, le plus souvent 15 mm », a commenté le dirigeant de l’agence. La loi ne permet pas la divulgation d’éléments recueillis dans le cadre de l’activité de contrôle de cette agence, a précisé Gilles Brégant. L’agence ne pouvait pas non plus sanctionner les industriels étant donné que leurs appareils respectaient les normes en vigueur.

Si l’ANFR a choisi de mesurer les DAS tronc des appareils prélevés au contact ce n’est pas au départ pour mieux coller à la réalité de leurs usages, mais « par commodité », pour avoir une « norme commune », les industriels tardant parfois à préciser à quelle distance ils avaient mesuré leur DAS tronc, a précisé Gille Brégant.

La Commission européenne revoit la norme

L’ANFR a demandé à la Commission européenne en 2015 de faire passer, pour les dispositifs de communication sans fil tenus à la main ou portés près du corps, la distance maximale de mesure du DAS tronc de 25 mm à 5 mm. « Nous avons profité de la nouvelle directive pour faire évoluer la norme », s’est félicité Gilles Brégant. Cette directive européenne 2014/35/UE dite RED applicable à partir de juin 2016 sera pleinement transposée à partir de juillet en France, selon l’ANFR.

De plus, par une décision du 5 avril 2016, la Commission a reconnu que la norme ne répondait pas aux exigences de sécurité et a précisé que pour les mesures du DAS au niveau du tronc (limite 2 W/kg), la distance de séparation ne devait pas dépasser « quelques millimètres ».

Citant ce texte en référence, l’ANFR applique désormais une distance de 5 mm pour les DAS tronc des appareils qu’elle mesure.

Une distance inacceptable pour Marc Arazi qui plaide en faveur de « normes protectrices » avec un DAS tronc mesuré au contact du corps.

Dans son rapport de juillet 2016, l’Anses préconisait « d’assurer en toutes circonstances le respect des valeurs limites d’exposition règlementaires », quels que soient les émetteurs mobiles et leurs conditions d’utilisation, notamment au contact du corps.

vib/ab/APMnews

Par la journaliste Virginie Bagouet

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Dr Marc Arazi

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