Il n’est pas simple aujourd’hui de s’y retrouver entre les différents échelons administratifs et territoriaux qui s’entremêlent dans le projet de « Grand Paris« .
Une chose est certaine, notre région est confrontée à un véritable défi autour des besoins de transports des usagers franciliens. Le Grand Paris a le mérite d’aborder cet enjeu et d’y répondre de manière ambitieuse. Un tel projet aurait déjà du être initié il y a de nombreuses années car nous ne commencerons à en récolter les fruits que dans une décennie.
Dans tout projet de grande envergure les difficultés sont multiples et il faudra du temps et beaucoup d’énergie pour trouver le bon équilibre.
Le Grand Paris est un projet phare du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Initié par le Président et piloté par Christian Blanc, il est destiné à augmenter la compétitivité de l’Ile de France à l’international, d’harmoniser son urbanisation et de développer son réseau de transport. Cette structure institutionnelle rassemble 8 millions d’habitants et englobe Paris, 67 communes environnantes, 19 établissements publics de coopération intercommunale, 6 Conseils Généraux et le Conseil Régional. La structure est en train de se doter de statuts, d’ailleurs largement débattus.
Le début de ce grand chantier est prévu en 2012 pour un coût de 35 milliards d’euros. Il articule une rocade et un métro périphérique de 130 kilomètres et de 60 stations. Sur ce point des ajustements seront nécessaires car le tracé actuel ne reprend pas exactement celui du projet Orbival, qui lui aussi s’inscrit dans cette logique et constitue un début d’aménagement intelligent et adapté pour mieux « irriguer » en transports les couronnes périphériques de la capitale.
Jacques JP Martin et Gilles Carrez sont tous deux fortement impliqués à des niveaux différents dans ce projet. Notre Maire est vice-Président de la conférence métropolitaine et Gilles Carrez dirige un groupe parlementaire pour trouver des modalités de financement.
Zones d’ombres sur la marge de manœuvre locale :
Je suis en revanche plus circonspect relativement à la prééminence de l’Etat dans ce projet. A la différence de Paris Métropole, qui depuis le départ s’appuie sur la bonne volonté des collectivités locales, le Grand Paris fait intervenir l’Etat et primera désormais sur tous les autres documents d’urbanisme locaux. Des « zones d’aménagement différé » seront créées autour des gares concernées et, au sein de ces zones, la Société du Grand Paris aura un droit de préemption.
L’avant projet de loi indique en effet que « les décrets d’utilité publique emportent approbation des nouvelles dispositions du schémas directeur de la région d’Ile de France (SDRIF), des schémas de cohérence territoriale, des schémas de secteur et des plans locaux d’urbanisme ». Le Grand Paris prime donc sur les autres documents d’urbanisme et pourra imposer ses choix aux élus. Des doutes subsistent sur l’étendue de ces zones d’aménagement (3 km autour des gares, 1,5 km ?) mais des petites communes pourraient être totalement couvertes et donc perdre leurs compétences en matière d’urbanisme.
Il aurait été plus simple d’intégrer préalablement aux plans locaux d’urbanisme (PLU) les exigences du Grand Paris, quitte à ce que l’Etat y ait un droit de regard.
Certains élus sont mécontents de cette potentielle ingérence étatique au niveau local et le font savoir. Philippe Dallier, sénateur UMP des Pavillons sous Bois (93), avait proposé une loi pour la création d’un Grand Paris sous forme de collectivité territoriale et se désole de la forme qu’a finalement pris le projet. Jean Paul Huchon, Président PS de la région Ile de France, critique quant à lui « un projet extrêmement centralisateur qui remet toutes les rênes entre les mains de l’Etat ».
Ne pas se montrer alarmiste devant un tel projet : ces aménagements s’effectueront sans nul doute dans un esprit de dialogue et de concertation. Mais il conviendra d’y veiller et de s’assurer de conserver, au niveau local, une marge de manœuvre importante. Il conviendra également de veiller à ce que ce grand projet permette de rééquilibrer la répartition Est-Ouest autour de la capitale. Et ne sur-urbanise pas les villes de la première couronne, ni ne les dénature.
L’idée de la « ville sur la ville » paraît logique d’un point de vue écologique : la densification entraîne des réductions de parcours pour les transports. Mais elle peut aussi, selon moi, vite dénaturer les villes et leurs patrimoines respectifs par excès d’uniformisation et par absence de prise en compte des évolutions technologiques futures.
Les projets des architectes s’exposent à la Cité de l’Architecture :
Dix cabinets d’architectes de renom ont été consultés et ont préparé des projets d’urbanisme de grande qualité pour le Grand Paris. Assez différentes les unes des autres, les propositions partent cependant toutes d’un constat simple : il faut canaliser une urbanisation dévorante et réorganiser les réseaux de transport. En bref, changer le modèle de développement urbain.
Les travaux de Roland Castro ou du Groupe Descartes, qui rappellent que la ville est faite pour l’homme et pas l’inverse, me paraissent les plus judicieux. Ils développent une idée de la métropole de l’après Kyoto, plus végétalisée, redonnant sa place aux fleuves et aux villes de banlieue, « villes légères » plus interconnectées. Ces projets sont encore exposés à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, jusqu’au 22 Novembre.
Pas de nouveaux impôts :
A la tête d’un groupe parlementaire travaillant sur la question du financement des travaux, Gilles Carrez a proposé plusieurs pistes : augmenter de 0,1 % le versement transport des entreprises, augmenter la « masse tarifaire » sur le rythme de l’inflation plus 2%, emprunter 10 milliards, mais aussi augmenter les PV de catégorie 1 (qui passeraient de 11 à 20 euros)
Enfin, il ne semble pas écarter le très controversé projet de péage à l’entrée de Paris sur les nouvelles autoroutes.
Encore une fois j’en comprends la logique : cela permettrait de réduire l’afflux des véhicules dans Paris intramuros pour limiter les pollutions environnementales, de réduire le prix des transports ferrés pour les usagers…
Mais il ne me semble pas juste de faire payer une fois de plus les habitants de la périphérie. Encore une mesure au profit des parisiens et aux dépens des « banlieusards ».
Entre les questions relatives à son financement et les potentielles frictions en local sur les prérogatives urbanistiques des communes concernées, de nombreux arbitrages seront donc nécessaires pour que ce Grand Paris remplisse toutes ces promesses et réponde à l’engouement qu’il suscite.
Au moment ou j’écris ces lignes je prends connaissance d’une réaction suite à la réunion du bureau de Paris Métropole qui s’est tenue ce matin.