PETIT JOURNAL D’UNE VIE SUR UN FIL……

Voici en intégralité le texte témoignage que m’a confié D.R, Nogentais qui vit dans la rue et qu’il m’a autorisé à publier sur mon blog. Merci à une nogentaise qui a tapé son texte et lui apporte soutien et réconfort, elle se reconnaîtra.

PETIT JOURNAL D’UNE VIE SUR UN FIL……

Juillet – septembre 2011

 

1er jour

Je suis dehors avec mon compagnon d’une vie : Lascard, mon chien, mon bébé.

J’aime la vie mais pas le désespoir.

Maintenant, je suis dehors dans la rue de la vie, une route sans direction ni avenir si l’on veut mourir dans l’anonymat, mais Lascard veille à mon bien être et à ma vie de misère ; grâce à lui, un sourire dans la nuit du parking de Nogent-sur-Marne, juste à côté du commissariat.

La 1ère nuit : question : où dormir dans cette ville close avec mon compagnon, mon sac à dos lourd et encombrant, sans eau, sans nourriture pour Lascard et moi – alors chercher sans chercher  mais il faut trouver, trouver, et surtout ne pas se faire voir des passants et se cacher !

Enfin voilà, j’ai trouvé une place à côté du commissariat de  Nogent, dans ce parking sale mais chaud

Lascard et moi, ma première nuit dans la chaleur des pots d’échappement – regard vif de tous les instants pour ne pas se faire prendre pour un voleur ou un casseur. Je garde le sommeil pour le soir suivant – qui sait ! de l’aide peut-être !

Le petit matin va se lever, le silence me fait oublier les jours de misère qui sont arrivé.

2ème jour et les autres…

J’ai prévenu la police – déposé une main courante.

Je suis triste, mélancolique et en colère de vivre dans ce cafard de vie sans nom – mal de vie !

Je suis seul sous la pluie et seul dans la vie – je suis très fatigué et près de la crise d’épilepsie – Lascard me surveille de près et me stimule.

Je suis au café, j’écris et passe mon temps.

Je ne me suis pas lavé depuis 3 jours – cela joue sur le moral, mais pas de solution  à tous mes problèmes – il faut tenir ou mourir dans la rue sous la pluie.

Le niveau social d’un SDF reste marginal malgré ma gentillesse.

Je bouillonne d’énergie, je vais marcher, marcher et le regard sur le monde de la rue restera froid même dans ma nuit la plus courte et froid comme le silence de ma couche.

Je dois continuer à écrire pour ne pas mourir sans laisser de trace, comme me l’a fait remarquer Domato qui a raison – laisser toujours son épitaphe sur sa vie et pas sur sa tombe !

Je dois reprendre des médicaments car ma main me fait terriblement mal.

All my life !

Grosse déprime dans ce monde qui n’est pas le mien mais qui est devenu le nôtre !

Je dois trouver une solution pour cet hiver – dans mon état, je ne vais pas « tenir » longtemps dans ce van – il va faire froid et il faut que je trouve une solution pour le chauffage, vite, très vite – c’est triste mais c’est comme ça.

J’ai fermé mon téléphone – je veux rester seul, alors je pars au hasard dans Nogent avec mon sac à dos et ma peine qui est la plus lourde !

Je suis trop triste aujourd’hui, mélancolique et maladroit – je crois que je perds la notion d’humanité  dans ma vie de SDF – je suis vraiment perdu dans cette réflexion sur ma vie – je n’ai pas de réponse à tout –  cette réponse qui n’a plus de question !

L’hiver revient sans cesse dans ma tête : le froid, la mort et mon compagnon aussi – je reste prudent car je suis sensible à tout ce qui m’entoure.

JE SUIS PERDU, CELA EST SUR !

Dans ma situation, pas de porte de sortie ni d’échappatoire, ni aide, ni un moment de repos – RIEN pour me redonner le moral dans le temps qui me reste à vivre – plus de rires, plus de voyages imaginaires autour de moi, ni plaisir charnel ou autre plaisir de tous les jours.

Je ne mange plus et je pense à me suicider, mais il faut que je trouve un maitre ou une maitresse pour  Lascard. Je n’en peux plus de vivre sans vivre dans l’indifférence totale des personnes qui m’entourent.

Je préfère le suicide – mais Lascard ?

Pas  dormir, pas manger à cause du stress et des soucis pour mon avenir – personne ne veut m’aider pour des raisons futiles comme : j’ai un chat ou ma famille ne serait pas d’accord… alors je n’ai plus d’option pour le sens de ma vie ni dans la vie tout court !

Voilà, je me suis trompé sur les gens et leur aide, rester dans la rue, ils s’en fichent et ont autre chose à faire !

Lascard reste toujours bienveillant dans ma vie de chien ! Calme et affuté, sa gentillesse dépasse sa fougue de chien dominant – j’ai beaucoup de chance avec ce chien qui me surveille comme un soldat sur ses camarades !

J’attends et j’espère de bonnes nouvelles pour moi et mon compagnon, car pour cet hiver, comment faire pour Lascard ? Je dois me renseigner auprès d’un vétérinaire pour les marches forcées car pour Lascard ce sera son premier hiver dans la rue et dans le froid le plus total.

Je suis bien seul face à ce monde qui m’entoure, mais il ne faut rien laisser paraitre de son moral car tout bascule dans l’incertitude du monde et des relations qui m’entourent et me laissent là, dans le désarroi le plus total et l’ignorance la plus grande – je ne garde pas d’espoir pour le moment.

Il ne faut pas rêver : moi, DR, né le 30 novembre 1965, je suis comme un homme des cavernes : pas d’eau, pas d’électricité, pas de télé, pas à manger, juste pour le chien, et pas de chauffage, et surtout dans l’endroit où je vis, pas de feu – je suis comme un homme venu d’ailleurs ! Mon parlé, personne ne le comprend, les gens ont peur de l’inconnu !

Je ne sais plus parler, je reste comme une statue dans un jardin vide où j’attendrai les feuilles tomber puis la neige blanchir le monde qui m’entoure, mais je reste une statue vide dans un jardin fleuri de mille roses endormie sous le soleil d’été, réchauffer mon sourire qui restera de pierre et de pluie, sous les yeux de mon créateur.

Je bois mon café à la terrasse du Brazza – j’ai vu passer mon frère, pas pour la 1ère fois, il y a de la gêne dans l’air – il se frotte les mains, gêné – quand je pense que c’était mon frère !

J’écris, j’écris, pour ne pas crier le mal  être de ne plus être comme les autres, mais restera le plus dur de ne pas devenir comme les autres, rester stérile et sans aucune illusion sur mon futur qui sera un futur proche, c’est-à-dire plus dormir, ni de soupir sur la poitrine d’une jeune fille pétillante de vie, alors j’écris, je reste en vie et en mode off, sans devenir, sans rire, sans sourire.

J’écris comme on va chez son psy ou je dois faire une analyse de mon propre psyché

Il faut savoir avant de dire je sais ; il faut donner pour recevoir ou aimer pour pouvoir dire je t’aime.

Alors j’écris pour ne pas sombrer dans l’imbécillité parfaite de ceux qui m’ont poussé jusqu’à ne plus croire – sortir de toute cette mélancolie de la vie qui va rester pour moi un traumatisme.

Je ne sais pas, je ne sais plus et alors je me perds dans mes souvenirs qui me font encore plus mal que je n’ai jamais oubliés.

Reste le temps qui passe comme un nuage dans le ciel tête de loup puis berger – tel devrait être un nuage dans un ciel clair d’été, mais tout reste sombre avant la tempête ou la pluie, efface les regrets qui ne sont déjà que des souvenirs ou des souvenirs oubliés et qui feront mal quand le soleil reviendra couvrir la terre de sa lumière.

Je suis dans l’ombre de ma juste capacité, c’est-à-dire je suis donc je reste ou  je ne suis pas et donc je reste un inconnu ou un passant qui passe

J’écris mais surtout je marche, alors je vais continuer ma route (la victoire appartient à celui qui refuse de s’avouer vaincu – Foch) et aussi : il ne tient qu’à soi d’être heureux (à méditer) ! Et ma préférée : dépêchons de succomber à la tentation avant qu’elle s’éloigne – Epicure.

Donc, je vais marcher et encore marcher et il ne me reste rien de plus que d’écrire, que de devenir une boite qui serait vide – tout autour de moi est immobile et sans couleur – je suis si fatigué que j’ai de plus en plus peur d’écrire « désespéré » – je suis au  « bureau »  (c’est une charmante tonnelle où je passe du temps) pour garder mon calme et ma souffrance avec moi car personne autour de moi ne voudrait être à ma place – cela coûte cher d’être gentil dans cette ville de Nogent-sur-Marne, pourtant j’aime cette ville – pour peu, on pourrait croire que l’on est au paradis  ; je ne veux pas le savourer pour ne pas le comprendre ou le comprendre et ne  jamais  l’oublier.

Je suis devenu un fantôme dans ma ville – ni vu, ni reconnu, sans devenir et sans avenir – il ne reste que mon ombre que j’ai laissée cet été, mais je ne pourrai pas laisser mon empreinte dans la neige de cet hiver, ni moi, ni mon compagnon de vie ou de mort – cela reste pour moi la solution la plus facile pour tout le monde.

Je reste seul avec Lascard et sa gamelle en aluminium qui brille sous le soleil de septembre comme un  diamant dans le bitume.

J’écris, j’écris toujours pour effacer le regard des autres qui sont des fantômes qui sortent quand il fait chaud  – tout cela reste pour moi des regards qui sont absents.

Fils de rien, il ne me reste que ça – me dire qu’à mon âge je suis seul, abandonné et dans la rue –  je suis déjà mort pour mon entourage, alors le reste ne compte pas ou n’existe plus.

Je dois attendre ou chercher : voilà ma vie, si on peut appeler çà une vie !  Il n’y a que des questions qui n’auront jamais de réponse.

Le bruit donne du sens au silence mais la tristesse ne donne pas de nom à la tristesse des larmes qui coulent comme la buée sur les vitres.

Tout ce que j’écris, mon cerveau me le donne à voir avec mes yeux et non  le contraire – je suis aveugle  avec  mes yeux, jamais avec mon cerveau ni avec mon cœur ; de mes yeux  vous ne gouterez pas le gout salé de mes larmes mais vous pourrez regarder le soleil se coucher au fond très loin pour ne pas oublier combien je souffre d’isolement et du manque des petites choses de la vie, comme me coucher tranquille le ventre plein de confettis et de joie de se réveiller au chaud.

Rien pour l’instant pour me rendre le moral – je pense quand même au suicide car le froid ne pardonne ni l’échec ni l’errance dans la rue et en plus je ne suis pas seul à vivre cet enfer dans les rues de Nogent.

Alors, écrire ou sourire sera toujours gravé sur un coin d’une page blanche.

Il y a des jours où tout va mal mais c’est comme çà : manger ou pas manger – vivre ou mourir.

Dr Marc Arazi

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