Découvrez ma tribune dans Le Plus du Nouvel Observateur sur le report du non cumul des mandats

Je m’applique à publier régulièrement des tribunes sur les sujets qui me tiennent à cœur (*). J’y expose, en qualité d’élu local, ma vision de la politique nationale. Dans celle de ce mercredi 20 février, j’explique ce que m’inspire le report de l’application de la loi sur le non cumul des mandats

Cumul des mandats : François Hollande repousse encore sa promesse, quel pied de nez !

LE PLUS. Dans ses « 60 engagements pour la France », le candidat François Hollande promettait de mettre fin au cumul des mandats. Onze mois après l’élection, on apprend que cette promesse est repoussée à 2017. Le cumul des mandats est-il un frein à la démocratie ? C’est en tout cas ce sur pense Marc Arazi, conseiller municipal de Nogent-sur-Marne.

Si le projet de loi visant à interdire le cumul des mandats peut bien être étudié dès demain, il ne sera applicable qu’en 2017.

C’est Manuel Valls qui a été choisi pour annoncer, vendredi 15 février, que la promesse numéro 48 du candidat François Hollande ne serait pas tenue, une promesse valant par son contenu et son calendrier.

S’ensuivit, dans les rangs de la majorité, un bal des hypocrites visant à faire croire que les propos du ministre de l’Intérieur n’engageaient que lui. À ce petit jeu, Jean-Marc Ayrault s’est montré le plus zélé, à défaut de se montrer le plus habile.

La fin du cumul des mandats, c’est maintenant

Je n’irai pas par quatre chemins. Voilà deux mauvaises nouvelles en une ! L’ajournement de ce projet est un coup porté à tous ceux qui savent que le cumul des mandats effrite la qualité des décisions politiques. Sachant que celles-ci ont un impact sur le quotidien d’une collectivité, c’est aussi un pied de nez aux citoyens !

Je pense que ce rétropédalage n’est pas de nature à réconcilier les citoyens avec leurs élus… Pire, il est de nature à augmenter la défiance, au lieu de restaurer la confiance que les premiers devraient avoir en les seconds. J’ajoute qu’il me paraît motivé par des arrière-pensées politiciennes et par la peur panique de perdre les intérêts qui sont en jeu. Le procédé perd encore, ici, en élégance.

Vous l’avez compris, je suis pour interdire le cumul des mandats… et pour que François Hollande utilise au mieux son slogan – notre slogan – : la fin du cumul des mandats, c’est maintenant !

L’impossible choix entre le four et le moulin

Il ne m’apparaît pas sérieux d’exercer à la fois un mandat exécutif local dans une moyenne ou grande collectivité (maire, maire adjoint, président du conseil général, vice-président du conseil général) et un mandat exécutif national (député ou sénateur).

Il ne m’apparaît pas sérieux de prétendre être au four et au moulin.

Celles et ceux qui le font sont nécessairement amenés à choisir entre le four et le moulin et préfèrent, inévitablement d’ailleurs, se consacrer à la vie publique nationale plutôt qu’à la vie publique locale. Pour des raisons qui sont avouables et pour des raisons qui le sont moins.

En tous les cas, quand l’exercice de la politique nationale et l’exercice de la politique locale sont additionnés, leur qualité respective est entamée. Et un élu ne sert pas au mieux l’intérêt général quand il avance qu’être au four permet de mieux être au moulin et vice-versa.

Il ne m’apparaît pas sain de vouloir être « à moitié » au four et « à moitié » au moulin, quand le four et le moulin méritent chacun l’engagement d’un élu entier.

La gouvernance politique : une affaire de famille

La démocratie se portera mieux lorsqu’elle sera lestée de ses accapareurs : un élu défend mieux la démocratie quand il ne la confond pas avec un tremplin pour sa petite personne. La démocratie serait plus inventive si elle etait le reflet fidèle de la participation d’un plus grand nombre et d’une plus grande diversité d’idées.

Il ne m’apparaît pas honnête de taire qu’aux fonctions d’élu – national et local – s’ajoutent moult responsabilités dans des instances connexes (commissions pour un élu national, syndicats territoriaux pour un élu local).

Vous savez qu’ils ne sont qu’une poignée à siéger aux conseils d’administration des diverses grandes sociétés. Comme si ces grandes sociétés traitaient les affaires d’une famille… Eh bien je vois une ressemblance entre cette conception non partageuse de la gouvernance économique et la conception de la vie actuelle de la gouvernance politique : encore une affaire de famille !

Jacques J.P Martin, le maire 12 en 1

Tenez, je vais vous citer un exemple nogentais ! Le maire de la ville, Jacques J.P Martin – qui n’est, à ce jour, même pas concerné par le projet de loi sur le non-cumul des mandats ! – est à la fois :

1. Maire de Nogent-sur-Marne,

2. Conseiller général du Val-de-Marne,

3. Président de la communauté de communes du Val-de-Marne,

4. Membre du comité directeur de l’AMF (Association des maires de France),

5. Vice-président du SIAAP (Syndicat d’assainissement de l’agglomération de Paris),

6. Vice-président de l’AMIF (Association des maires d’Ile-de-France),

7. Membre du conseil d’administration de l’ACTEP (Association des collectivités territoriales de l’est parisien),

8. Président de l’association des communes d’Ile-de-France pour le Liban,

9. Président de l’UCG (Union des conseillers généraux) de France,

10. Président du syndicat Paris métropole,

11. Membre du comité de pilotage des projets structurants du Grand Paris,

12. Secrétaire général d’Orbival

Arrêtons là cette énumération, vous avez compris.

Profession ? Homme politique en CDI

Vous avez compris, comme moi, que vous n’élisez pas simplement un homme – ou une femme, vous lui offrez un métier… Quelle est votre profession ? « Politique ! ». Profession, le mot est lâché… et le mal est désigné : la vie politique se professionnalise. Et je n’aime pas ça.

Aujourd’hui, nous pouvons parler de « classe politique » au sens qu’avait la « classe sociale » au XIXe siècle, d’autant plus que nous constatons à l’envi l’éloignement des citoyens de leurs élus… pour ne pas dire l’opposition de la société civile à la « classe politique ».

C’est que chez ceux qui appartiennent à cette dernière, monsieur, on reste entre soi et, même s’il existe quelques clans appelés « partis », on est solidaire pour défendre son rang. Le rang du pouvoir.

Vous avez compris, comme moi, que vous n’élisez pas simplement un homme – ou une femme, vous lui offrez un métier. Pour peu que la loi permette à un candidat de se représenter autant de fois qu’il le souhaite, vous lui offrez même un CDI !

La soif du pouvoir, au détriment des citoyens

Chacun le sait, l’exercice du pouvoir fait facilement tourner la tête… alors que dire de l’exercice de trop de pouvoir ?

Je vous propose de penser avec moi que celui ou celle qui exerce un pouvoir hypertrophié rétrécit son paysage et réduit son horizon : il n’a plus d’autre intérêt que vouloir encore et toujours en exercer davantage. Quel que soit le parti auquel il appartient, son ambition ne s’arrête pas là. Et tout est bon pour la servir (oui, voilà longtemps que l’intérêt général passe après).

Le mal est si profond que, dans chaque clan, on poursuit cette course au pouvoir coûte que coûte. En témoigne le récent fiasco de l’élection du Président de l’UMP. En témoigne le duel Fillon-Coppé, tel une surenchère spectaculaire de l’ancien duel PS Aubry-Royal.

Comment puis-je, en tant que citoyen, affectionner cette démocratie-là ? Je rallie l’analyse lumineuse de Corinne Lepage dans le « Huffington Post ». Comment puis-je imaginer que la qualité de mon quotidien de citoyen ne soit pas éreintée ?

Vous ne serez pas étonné que je sois également pour la limitation dans le temps du nombre de mandats.

Des élections jouées d’avance

Il ne m’apparaît pas de bon sens de vouloir « titulariser » la fonction d’élu, quelle que soit la nature du bilan que ce dernier ait à défendre. C’est d’abord ignorer la dimension humaine de l’élu. Chacun le sait, qui s’engage à servir les citoyens érode son énergie, son enthousiasme et, pire, son inventivité. C’est ensuite croire à la femme ou à l’homme providentiel quand seules les idées peuvent être opportunes.

Au contraire, je veux des élus à l’image d’un monde en mouvement, je veux que les candidats à un mandat exécutif local ou national soient à l’image de ce monde-là. Je suis pour le renouveau des responsables de la gouvernance.

Il ne m’apparaît pas crédible de redynamiser les taux de participation des citoyens aux élections quand celles-ci sont jouées d’avance : en matière de gouvernance, l’habitude ne peut se substituer à la réflexion. Il ne m’apparaît pas davantage raisonnable de précariser un élu. Si les citoyens lui confient la charge d’administrer un territoire, l’élu exécutif doit, le temps de sa charge accompli, pouvoir réintégrer sa sphère professionnelle.

Pour un statut de l’élu d’opposition local

C’est aussi parce que je suis pour que la démocratie locale évolue vers un meilleur équilibre des pouvoirs que je suis pour le renforcement du pouvoir de l’élu local d’opposition, comme le préconise l’AELO (Association des élus locaux d’opposition ). Quelle que soit la sensibilité politique de l’équipe majoritaire, le conseiller municipal « opposant » représente la population et contribue à la qualité du débat concernant la vie de la cité.

C’est l’exercice de la démocratie… à condition que cet « opposant » ne quémande pas à l’équipe majoritaire ses droits d’élu tout court : information, moyens d’expression… et qu’on lui reconnaisse, comme aux élus de l’équipe majoritaire, le droit à indemnités car il met lui aussi, le temps de son mandat, sa vie professionnelle et sa vie privée entre parenthèses pour servir ses concitoyens.

Je vous ai exposé mon point de vue. Vous aussi, vous en avez un. Ensemble, apportons notre contribution à un sujet qui va façonner notre avenir.

Exprimez-vous !

 

(*) Pour lire aussi mes précédentes tribunes :

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/564692-legislatives-2012-pour-en-finir-avec-la-dictature-de-la-bipolarisation.html

http://leplus.nouvelobs.com/contribution/560556-nos-deputes-sont-ils-conscients-des-risques-lies-aux-antennes-relais-de-telephonie-mo.html

 

Dr Marc Arazi

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