Pourquoi Jean-Marc Ayrault s’est-il donné la peine de rebaptiser le projet du Grand Paris (j’exclus le motif de la réappropriation politicienne…) ? En effet, en rendant ses arbitrages mercredi 6 mars, le Premier ministre n’a pas annoncé de refonte structurelle de ce projet « pharaonique ». Je ne suis donc pas surpris que nous ayons, lors de son dépliement, versé dans l’excès, tant l’idée de celui-ci frôle la démesure.
Après la décentralisation, la… recentralisation !
Le Grand Paris –Nouveau Grand Paris depuis mercredi 6 mars – est donc un projet pharaonique : il relève, dans sa dimension et dans son inspiration, du gigantisme. Il ne va pas seulement redessiner les villes d’Ile-de-France. Il va également redéfinir le rôle de leurs élus. Le Grand Paris reflétera bien la suprématie de l’Etat. Il ira ainsi contre l’évolution historique du pouvoir politique, que l’on n’a cessé, depuis la création des régions, de chercher à partager.
Le débat autour du Grand Paris a dépassé le clivage Droite Gauche
On est pour ou contre, selon qu’on juge que le Grand Paris répond ou non à l’urgence du moment sociétal. On est pour ou on est contre, selon qu’on est pour ou contre la densification des villes. Mais surtout, on est pour ou on est contre, que l’on soit classé à droite ou à gauche de l’échiquier politique, car l’urbanisme d’une collectivité locale est une prérogative justifiée de ses élus, les meilleurs connaisseurs de leurs territoires et des attentes de leurs habitants. Le débat autour du projet du Grand Paris a en effet le mérite de démontrer que, dès qu’il s’agit de cette gouvernance-là, le clivage droite-gauche peut être dépassé.
Prévoir « ce » Grand Paris, c’était se tromper de priorité
Tout projet répond à la fois à au moins un besoin et à au moins une ambition. Je pense que, dans le contexte économique contraint actuel, on aurait dû choisir de privilégier de répondre au besoin des Franciliens. Au quotidien, ceux-ci aspirent à réduire leurs temps de trajets domicile-travail et à améliorer la qualité de ce ceux-ci. Il eût été beaucoup plus urgent de concentrer l’effort sur la rénovation des réseaux de transport existants que sur l’invention de nouveaux. D’autant que, dans le cadre du Grand Paris, ceux-ci ne seront pas en service avant 2030. Ou comment continuer de prendre un train de retard sur les aspirations des habitants d’Ile-de-France…
Prévoir « ce » Grand Paris, c’était bétonner le terminus
En pensant le Grand Paris, c’est donc l’ambition qui a prévalu. L’ambition de créer une mégalopole capable de concurrencer les autres « villes monde ». Autrement dit l’ambition de continuer à densifier l’Ile-de-France pour boucher les rares espaces de respiration entre le cœur parisien et ses couronnes. Est-le modèle dont rêvent les Franciliens ? Sachant que, dès que ce dernier aura pris corps, on peut légitimement s’attendre à l’augmentation du prix du logement… et à la réplication des actuelles difficultés de transport sur les nouveaux réseaux. Ou comment programmer une course (perdue d’avance) des transports après l’urbanisation galopante. C’est un contresens environnemental.
Prévoir « ce » Grand Paris, c’était entraîner toute la Nation
Prévoir le Grand Paris, c’était convaincre les Français que leur région se porterait mieux si l’économie d’Ile-de-France se portait mieux. C’était leur rappeler que, par conséquent, c’est leur quotidien, où qu’ils habitent dans l’Hexagone, qui gagnerait en qualité. Au lieu de susciter un élan autour de ce projet essentiel pour la Nation, Matignon a choisi de générer des crispations. Tout à trac de surcroît. Augmenter le tarif des PV de stationnement des automobilistes pour boucler le financement du Grand Paris Express revient à faire porter la charge du projet de Grand Paris aux citoyens. Quand il eût été hautement préférable de les inciter à adhérer à celui-ci. Voire à parier sur celui-ci. Et, pourquoi pas, à investir dans celui-ci.