Phonegate : mon interview au Quotidien du Médecin

Téléphonie mobile : après la publication des données de l’ANFR, le Dr Marc Arazi (ex Priartem) pointe des irrégularités

Damien Coulomb

| 02.06.2017

Après 10 mois d’attente, l’agence nationale des fréquences (ANFR) a publié jeudi l’ensemble des données issues des mesures réalisées sur 379 téléphones portables entre 2012 et 2016. Pour chacun des modèles, le site open data de l’ANFR indique le débit d’absorption spécifique (DAS) au niveau de la tête (énergie reçue par la tête à une distance de 5 à 15 mm pendant 6 minutes lorsque l’appareil est à pleine puissance) et du tronc (au contact et à 5 mm).

Certaines données sont manquantes, en grande partie car ce n’est qu’en 2012 que l’ANFR a entrepris de contrôler le « DAS Tronc », compte tenu des nouveaux usages du téléphone lié aux recommandations d’utilisation des oreillettes et à l’augmentation de l’échange de données par les téléphones hors conversation téléphonique. Des données manquent toutefois à l’appel pour certains modèles mis en service après 2012. Au total 272 mesures de « DAS tronc » ont été réalisées au contact du corps et 137 à une distance de 5 mm.

Des données qui soulèvent le doute

Les valeurs limites réglementaires du « DAS tête » et du « DAS tronc » sont de 2 W/kg. La valeur limite du « DAS membre », dont les relevés ne sont pour l’heure pas communiqués par l’ANFR, est de 4 W/kg. « Aucun téléphone mobile contrôlé par l’ANFR n’a présenté de DAS tronc supérieur à la valeur limite de 2 W/kg à la distance d’utilisation prévue selon les années », se félicite l’agence.

S’ils confirment cette affirmation en ce qui concerne le DAS tête, les chiffres du site de l’ANFR semblent cependant la contredire en ce qui concerne le DAS tronc.

Le constat rassurant de l’ANFR n’est pas partagé par le Dr Marc Arazi, ancien coordinateur national de l’association Priartem (pour rassembler, informer et agir sur les risques liés aux technologies électromagnétiques) qui militait depuis 10 mois pour l’ouverture de ces données. « On est revenu à l’époque du nuage de Tchernobyl ou de l’amiante », s’emporte ce médecin généraliste de formation en désignant plusieurs modèles décrits dans la base de données de l’ANFR qui bien que dépassant les normes autorisées, sont considérés comme conformes par l’agence.

Ainsi, le HTC One SV contrôlé en juillet 2013 a un DAS tronc de 2,256 W/kg à 5 mm (celui pris en compte du point de vue de la réglementation) et un DAS tronc au contact de 7,1 W/kg. Le Ascend G30 de Huawei (une firme chinoise) a un DAS à 5 mm de 2,223 W/kg et de 5,382 W/kg au contact. Même constatation pour le Neva 80 de Orange (3,62 W/kg à 5 mm) ou le PRO 881A (3,63 W/kg). En tout, ce sont 9 modèles qui dépassent significativement la norme de 2 W/kg à 5 mm en DAS tronc.

89 % de téléphones non conformes selon l’ANSES

C’est après la publication, en juillet 2016, du rapport de l’ANSES « Exposition aux radiofréquences et santé des enfants », que le Dr Arazy introduit une demande pour laquelle il a pu s’appuyer sur un avis favorable de la commission aux documents administratifs (Cada).

L’ANSES pointait en effet le fait que « des mesures de DAS local du téléphone mobile au contact du corps réalisées en 2015 par l’ANFR ont montré […] que l’exposition résultante peut parfois être élevée : parmi les 95 téléphones mobiles prélevés par l’ANFR, 89 % d’entre eux mesurés au contact du corps présentaient un DAS supérieur à 2 W/kg et 25 % un DAS supérieur à 4 W/kg. Par ailleurs, la notice d’utilisation de 25 % des téléphones contrôlés présentant un DAS corps au contact supérieur à 2 W/kg n’indiquait pas de distance minimale d’utilisation ».

Pour le Dr Arazi, la mesure du DAS tronc à 5 mm n’offre pas une sécurité suffisante du consommateur. Il plaide donc pour une réglementation basée sur la mesure du DAS tronc au contact. « Il faut aussi qu’il y ait une réglementation européenne imposant la mesure des DAS membres au contact, ajoute-t-il, qui n’apparaissent pas dans les informations des constructeurs alors qu’ils ont été mentionnés dans le rapport de l’ANSES. Il faut aussi que l’on ait des données différenciées entre le DAS chez l’adulte et chez l’enfant. Il y a un gros travail à faire en matière de transparence. »

Le Dr Arazi espère « une action » de la part de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, ainsi qu’une « forte réaction aux États Unis et au Canada quand ils verront ces données, car les normes y sont plus sévères ».

L’ANFR affirme vouloir désormais publier semestriellement l’ensemble des nouvelles mesures de DAS.

Crédit Photo : PHANIE Zoom
Dr Marc Arazi

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