Ma réaction suite à l’article du JdLE : « Téléphones: banc d’essai ou banc de touche? »

Merci à Romain Loury, journaliste au Journal de l’Environnement pour ce nouvel article bien documenté, paru le 7 juin 2017, sur le #Phonegate. Que dire en lisant la réaction du Directeur Général de l’ANFR, Gilles Bregant, qui n’hésite pas à tenter de me faire porter la responsabilité de la publication tardive des données…on croirait une Fake news….ce dernier devrait plutôt expliquer pourquoi il n’a pas encore publié les résultats des mesures de DAS membres qui pourtant ont montré que 25% des téléphones portables testés faisaient courir un risque pour la santé des utilisateurs de téléphones portables et en particulier les plus jeunes. Nous attendons donc sa réponse plutôt qu’une vaine polémique pour tenter de minimiser, une fois encore, les enjeux sanitaires et industriels du Phonegate.

L’article du JdLE

Mardi 1er juin, l’Agence nationale des fréquences (ANFR) a publié des résultats de mesure du DAS (débit d’absorption spécifique) de 379 téléphones portables. Constat: plusieurs modèles s’avèrent au-dessus des seuils fixés pour les nouvelles normes européennes, du moins pour le «DAS tronc». Feront-ils l’objet d’un rappel?

Pour Marc Arazi, c’est une victoire, mais «ce n’est que le début de l’histoire». «Satisfait de voir qu’on peut faire bouger les choses», le lanceur d’alerte, médecin et ancien coordinateur national de l’association Priartém, avait demandé à l’ANFR de lui transmettre ces données, dévoilées (sans mention des marques testées) dans un rapport de l’Anses[i] de juillet 2016. Faute de réponse positive, et après avoir fait appel à la commission d’accès aux documents administratifs (Cada), il avait saisi la justice.

Le tribunal administratif de Melun l’a débouté, en avril dernier. Un mois et demi plus tard, l’ANFR vient pourtant de publier les données demandées, portant sur 379 téléphones. Mieux, elle s’engage à rendre publiques l’ensemble des mesures qu’elle effectue sur des téléphones portables, prélevés en magasin, tous les six mois.

Une publication inattendue

Comment expliquer un tel revirement de la part de l’ANFR? Tout simplement par le fait que ce n’en est pas un, affirme-t-elle: l’ANFR n’a jamais été opposée à la publication de ces données, plaide son directeur général Gilles Brégant. Une affirmation en effet confortée par un courrier envoyé fin 2016 à Marc Arazi, où Gilles Brégant affirmait «être favorable à la communication, voire à la publication, des données», mais ne pouvoir s’y livrer.

«Les dispositions applicables, tant au recueil de ces informations par l’ANFR qu’aux sanctions administratives ou pénales qui peuvent en résulter, semblent faire obstacle à la communication de ces informations», ajoutait-il.

«Si Marc Arazi n’avait pas fait cela, on aurait publié ces données avant», affirme au JDLE Gilles Brégant, regrettant l’«action assez agressive» du lanceur d’alerte. «Cela nous a conduits à faire des approfondissements juridiques, mais cela a rendu tout le monde méfiant», déplore le directeur de l’ANFR.

L’éclaircissement de la Cada

L’éventualité d’une publication de ces données butait en effet sur deux lois, d’apparence contradictoire: d’une part le code de l’environnement qui indique que les données DAS sont de nature environnementale, et peuvent donc être publiées; d’autre part le code des postes et télécommunications électroniques, selon qui ces données sont confidentielles. Comme le sont celles issues des contrôles de la DGCCRF, qui ne publie que les cas ayant donné lieu à des sanctions.

Une fois l’affaire close en justice, l’ANFR a demandé son avis à la Cada, qui a tranché, le 27 avril, en faveur de l’interprétation «code de l’environnement», donc pour une publication des données. Dont acte: celles-ci ont été publiées jeudi 1er juin sur le site de l’ANFR.

379 téléphones testés

En l’occurrence, il s’agit de mesures effectuées sur 379 téléphones entre 2012 et 2016. D’abord des mesures de «DAS tête» (seuil maximal légal de 2 Watt/kg), que les fabricants ont obligation de tester au contact (0 millimètre). Mais aussi des mesures de «DAS tronc» (seuil également de 2 W/kg), et c’est là que le bât blesse.

Depuis 1999, la norme européenne, inscrite dans la directive européenne dite R&TTE (Radio & Terminal Telecommunication Equipment, mars 1999), permettait aux fabricants de tester leurs produits à une distance ne pouvant dépasser 25 mm –une distance où le test posait des problèmes méthodologiques, pour des questions de positionnement de l’appareil lors de la mesure. Or l’ANFR a souhaité tester d’autres distances pour le DAS tronc, à savoir au contact et à 5 mm.

Sans surprise, les résultats s’avèrent bien plus élevés que ceux à 25 mm, mais sans contredire la norme alors en vigueur. C’est sur la base de ces données que la Commission a durci sa législation: depuis juin 2016, tout téléphone vendu doit avoir été testé, pour le DAS tronc, à une distance qui ne peut dépasser 5 mm, selon la nouvelle directive 2014/35/UE effective depuis le 13 juin 2016.

Corollaire: si aucun dépassement n’est observé pour le DAS tête, plusieurs téléphones ne sont plus du tout en phase avec la nouvelle norme pour le DAS tronc. Testé à 5 mm, le Lumia 920 de Nokia se situe à 2,85 W/kg, le Motoluxe de Motorola à 2,96 W/kg, le Z10 de Blackberry à 3,10 W/kg, le Pro881A de Polaroid à 3,63 W/kg. Au contact, les mesures sont encore plus élevées, plusieurs d’entre eux dépassant les 5 W/kg.

Rappels de produits en vue?

Est-ce à dire que ces téléphones, que des consommateurs continuent à utiliser, pourraient être ramenés au magasin? «Selon nous, non: les normes ne sont pas rétroactives», juge Gilles Brégant. «Globalement, il n’y a pas de danger: la norme a été respectée. La nouvelle norme est plus exigeante, et nous n’avons fait qu’informer des éléments qui allaient au-delà de la norme de l’époque», ajoute-t-il.

Marc Arazi ne l’entend pas de cette oreille: «quelle conformité? Il n’y avait pas de conformité ! On a créé un règlement [celui de 1999] tellement permissif qu’il a permis la mise sur le marché de produits qui n’auraient pas dû y parvenir: il n’y avait aucun élément qui justifiait ces normes, si ce n’est la volonté de tromper le consommateur. On a mis en danger la santé des utilisateurs, et notamment des plus jeunes».

Alors, rappel des produits ou non? « La question va être au centre des décisions des prochains jours», espère Marc Arazi, selon qui «les associations de consommateurs vont pouvoir désormais se saisir du sujet». Contactée par le JDLE, l’UFC-Que Choisir s’est pourtant déclarée impuissante à se prononcer sur le sujet, qu’elle affirme ne pas avoir suivi –contrairement à bien des associations outre-Atlantique.

Une norme inacceptable, selon Marc Arazi

Si elle constitue un progrès par rapport à la norme précédente, la distance de 5 mm reste, selon Marc Arazi, inacceptable. Selon lui, le DAS tronc devrait être évalué de la même manière que le DAS tête, c’est-à-dire au contact.

«Il faut raison garder, cette distance n’est pas absurde à l’usage: le téléphone est souvent dans un sac à main ou dans la veste», rétorque Gilles Brégant. D’autant que, toujours selon lui, les tests sont effectués «avec des téléphones qui marchent à pleine puissance». En conditions réelles, «le portable ne marche pas plein pot pendant six minutes, sinon il serait déchargé en à peine deux heures», ajoute le directeur de l’ANFR.

Quand il est dans la poche du pantalon ou dans la main, c’est le «DAS membre» qui entre en jeu: les fabricants n’ont pas l’obligation de le mesurer, mais sa valeur seuil est fixée à 4 W/kg. Pour Gilles Brégant, «avec le nouveau ‘DAS tronc’ à 5 mm maximum, on fait d’une pierre deux coups: entre un DAS mesuré à 5 mm et un DAS au contact, il y a un facteur deux», donc 4 W/kg au lieu de 2 W/kg.

Quid de l’actualisation bisannuelle de cette base de données de DAS, désormais publique? Avec environ 70 mesures effectuées par an, lors de contrôles ciblés sur des échantillons prélevés en magasin, Gilles Brégant prévoit qu’environ 35 nouveaux résultats seront livrés la prochaine fois, probablement fin 2017.

[i] Anses: Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail; DGCCRF: Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

Dr Marc Arazi

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